Le poète Islam Nawwar

Mardi 15 Décembre 2020-00:00:00
' Ayman Elghandour

Quand je l’ai rencontré au festival international de poésie de Tanta, j’ai dit : C’est un poète charismatique. Il a réussi à s’imposer devant l’audience à la Faculté de Pédagogie pendant les lectures matinales. A ce moment-là, je me suis dit qu’il deviendrait l’un des poètes les plus célèbres d’Egypte. J’ai décidé de lui consacrer un article dans cette rubrique et ma décision est devenue définitive lors de l’attaque menée par des fanatiques contre lui et la poétesse Amina Abdallah. A ce propos, je salue ma professeure, l’écrivaine May Telmissany qui lui a consacré un article et qui m’a poussé à commencer le mien. Il s’agit d’Islam Nawwar. Il est né au Caire en 1992. Il est diplômé de la Faculté de Médicine en 2017. Il s’est spécialisé en pédiatrie et est devenu chercheur au Collège Royal de pédiatrie en Angleterre. Il a travaillé dans l’administration médicale de plusieurs sociétés pétrolières internationales, ainsi que dans la rédaction littéraire dans plusieurs maisons d’édition égyptiennes. Ses poèmes ont été publiés dans de nombreux périodiques, journaux culturels et anthologies poétiques, et ses textes ont été traduits en anglais et en espagnol. Il a écrit deux recueils : « Ne dis pas que mon fils marche dans le ciel » en 2019 et « Carmina Purana sur la radio du métro du Caire » en 2020. Dans son dernier recueil, Islam Nawwar se rend compte de l’impossibilité de vivre à l’ombre de l’injustice, et c’est fondamentalement une impossibilité universelle et pas seulement nationale. Le poète réfère à l’injustice dans le monde, mettant l’accent sur les guerres coloniales. Nous n’y voyons aucun espoir de bonheur humain puisque l’injustice se trouve partout. On ne peut comparer ce point de vue qu’à la solitude. Les traits de la ville cauchemardesque sont évidents à travers le recueil dans son ensemble. La ville y est présentée comme « une fosse commune creusée avec des cuillères ». La ville est aussi cette meule qui écrase l’égo du poète, elle mène une guerre quotidienne pour rester vivante. Sélectionnons des morceaux de Carmina Purana sur la radio du métro du Caire : « En passant par la rue d’Al-Qasr Al-Aini/ en passant par l’Assemblée du peuple et le complexe scientifique/ vers ce vaste et rond lieu/ dont je ne veux pas mentionner le nom/ Ou même le décrire, ou le rendre significatif/ (…) Ces ruines dans lesquelles je marche/ n’indiquent pas ce qui s’est passé ». Dans un autre poème, Islam dit : « Le choléra en Irak et au Yémen/ et les armes chimiques en Syrie/ tueront des enfants exempts de maladies/ et leur nombre sera égal à celui des enfants asthmatiques tués par une cartouche de gaz/ lacrymogène sur le pont Qasr al-Nil/ Un million de morts dans un désert froid se réveilleraient/ pour mettre des pilules antipsychotiques/ dans la bouche des morts de la révolution dont les photos/seraient encadrées par une couverture de journal/ et un million de morts se réveilleraient dans une danse d’opéra sur une place vide. Bien sûr c’est la place Tahrir, témoin de l’échec de notre révolution dont les fruits sont entièrement allés aux Frères musulmans. Le recueil n’est que le cri de nos martyrs.